Une nouvelle année commence et il est de bon ton de s’interroger sur le passé et surtout la direction dans laquelle nous mène notre action.
Le passé d’abord, pour se rappeler l’entreprise de promotion à laquelle se livrent, et les grandes boîtes comme Apple et les gouvernements libéraux successifs, de la fameuse « flexibilité » ou bien « agilité », comme le chantent les experts en la matière que sont MM Gattaz et Macron, par exemple, pour être « compétitifs » sans que cela ne soit évidemment un remède contre le chômage. Aucune de ces politiques ne visent d’ailleurs à enrayer le chômage, mais elles s’en servent pour justifier tous ces cadeaux faits à la « liberté d’entreprendre », à savoir : la liberté de faire encore plus de fric sans payer d’impôts.
On a bien vu, avec le passage en force de la loi dite « travail » de Mme El Komri, que l’horizon vers lequel tendre, c’est bien la suppression des droits collectifs pour en venir aux règles « locales », par entreprise, puis, dans un avenir dont certains rêvent si fort en se rasant, aux règles individuelles dans une société qui serait donc parfaitement « ubérisée ».
C’est dire si la précarisation des salariés, dont la situation ne cesse d’être tirée vers le bas, aboutit un peu partout à de plus en plus de drames personnels.
Chez Apple Retail France on l’a vu avec le travail dominical. Si vous saviez les indécrottables spécialistes de la langue de bois avec lesquels nous devons « négocier ». Ils nous disaient que ce travail dominical n’était pas une priorité, qu’Apple, au début de l’histoire, n’allait pas aller là dessus.
Comme les girouettes ceux-là tournent avec le vent. Quelle bataille ça a été pour leur faire revoir leur copie et qu’ils mettent sur la table l’accord aujourd’hui en vigueur, que nous n’avons d’ailleurs pas signé. Il a fallu parler à l’AFP dont la dépêche sur nos positions fut reprise dans des journaux comme L’Express ou Le Figaro (!), et même aller faire les zouaves devant les caméras de M6, pour un sujet de 66 Minutes qui finalement n’a jamais été diffusé.
Donc, niveau « flexibilité », ça a été la fête chez Apple Retail France depuis les NAO 2015. Avec cet accord qui sépare les jours de repos consécutifs pour les nouveaux 35h, nous, on ne rigolait pas vraiment. Ajoutez à cela les dimanches, ça commence à faire pas mal. On nous a vendu une jolie commission Work Life Balance pour toutes les demandes d’employés avec des situations particulières. Évidemment du gros bla-bla marketing pour enrober les reculs sociaux.
Et n’oublions pas que ces compensations sur les dimanches ne dureront pas éternellement. Nombreux sont les commerces qui ne pourront tenir une ouverture dominicale dans ces conditions. Les compensations seront peu à peu amenées à baisser pour enfin disparaitre, et chacun s’alignera là dessus pour rester « compétitif » face à la concurrence.
Apple reste très fort sur le marketing, cela dit. Prenez le CET. Extraordinaire, le CET. Cette histoire-là aurait dû être terminée au mois de novembre. Allez, avec les retards habituels, plutôt décembre.
Je rappelle l’idée de la chose : établir un nouvel accord sur l’utilisation du Compte Épargne Temps, qui ouvrirait plus de possibilités d’utilisation pour les employés.
Ça, c’est pour la langue de bois. Le vrai sujet, c’est qu’Apple s’était, encore une fois, lamentablement plantée sur la communication lors du premier accord. Dans beaucoup de magasins, on avait dit aux employés qu’il s’agissait seulement de « banquer » des jours pour pouvoir les utiliser plus tard comme ils le voulaient.
Erreur, évidemment. Et frustrations.
Nous voici donc autour de la table pour, de nos plus belles plumes, composer de jolies propositions d’accord. Ici il faut signaler, par honnêteté, que la CFDT avait rendu leur copie en premier. Il est vrai que nous, à la CGT, étant jeunes et avec moins d’expérience, nous avons dû chercher plus longtemps voir ce qu’il se faisait ailleurs là dessus.
Mais voilà, tout le monde a rendu sa copie. Sauf la direction. Ce fut une réunion d’annulée. Puis reportée. Puis une deuxième. C’est devenu un tel running gag entre nous que nous en avons même oublié de compter.
La dernière aurait dû avoir lieu le 22 décembre. Annulée la veille. Alors nous allons à Iéna quand même parce que l’on a reçu un joli mail de leur part sur leurs « avancées » sur le sujet.
Au siège, donc, en demandant pour l’un d’entre nous un badge à l’accueil, on nous apprend qu’il n’y a personne dans les bureaux. À ce niveau, on hésite encore à parler de mépris. Après tout, une urgence en magasin, ça arrive (autant de fois ?) et tous ces gens ne sont pas nécessairement au chaud dans un joli chalet des Alpes Suisses.
Et, surprise, dans notre boîte mail un document de la direction sur le CET. On se dit, génial, ils nous envoient leurs propositions par mail directement depuis le chalet, on va finalement pouvoir travailler sur des contre-propositions.
11 pages, la chose. Les premières pour nous rappeler; dans de jolis tableaux et avec de jolis rectangles, ronds ou bien losanges; les termes de l’accord actuel. Très bien. Les dernières… pour nous rappeler nos propositions à nous. Et des autres syndicats. Et ? rien d’autre. Ah, si. Ils ont mis de la couleur sur nos propositions. Vert = ta proposition est OK. Orange = ça peut marcher mais ce n’est pas dans la philosophie de l’accord que nous voulons pour le CET. Rouge = ça n’entre pas dans le cadre légal d’utilisation du CET.
C’est pas beau ça ? N’est-ce pas prévenant de leur part ?
Bref, oui, c’est infantilisant. Oui, c’est du mépris. Mais, le mépris d’Apple, vous l’avez bien vu vous aussi. Mais si, allons, rappelez-vous. Une entreprise multi-milliardaire vous a offert, comme cadeau de Noël, un joli t-shirt avec un émouvant crédo sur papier cartonné.
Dans le même temps tombait un article du Gorafi intitulé comme suit : Ce patron redonne du sens à la vie de ses employés en leur offrant un mug aux couleurs de l’entreprise. On a le droit de rire.
Encore dans le même temps, à Opéra, tombait sur les boîtes mails de tous les employés ce joli conte de Noël : le patron d’une start-up a décidé d’offrir 1000€ de carte cadeau par employé.
Alors soyons francs, le cadeau, oui on s’en fiche et, certes non, ce n’est pas un dû.
Mais quand même, on veut bien tout accepter, même faire semblant de croire que la trésorerie d’Apple Retail n’est pas la même que le groupe et qu’ils ne sont absolument pas liés (on sait que c’est du bla-bla et que tout ça c’est du montage pour échapper à l’impôt mais, chut, on fait semblant je vous dis) mais dans ces cas là les gars, n’offrez rien. Ça vaut mieux que cette infantilisation, encore une fois, par des gens qui ne nous voient que comme une masse salariale grouillante, la dernière valeur sur laquelle jouer pour donner des dividendes aux actionnaires.
Ne parlons même pas du crédo qui ose raconter d’immenses bêtises sur cette histoire de rendre plus à la planète que ce qu’on (Apple) lui prend.
Il y a une certaine escalade, en fait. Difficile à mesurer pour l’instant mais qui ne laisse rien présager de bon pour la suite.
Pour les accords, qui sait quand on va terminer celui sur le CET ? Ensuite, il y a celui sur la diversité et l’égalité hommes-femmes à revoir, puis les grilles de salaire… Tout ça jusqu’aux NAO de l’été. À ce rythme on va finir par les commencer en décembre.
Du travail, donc, mais dont l’issue est incertaine, surtout sur les avancées sociales, avec tout ce qui peut encore nous tomber dessus.
Nous poursuivons donc notre action, en essayant d’accueillir le plus de monde possible car nous avons besoin d’être vraiment représentatifs pour réellement peser sur des accords qui, pour le moment, n’ont besoin que d’un seul « syndicat », qui se veut réformiste et « apolitique », pour être signés.
Des représentants du personnel qui osent signer des accords qui introduisent des régimes inégaux entre les employés (séparation des jours consécutifs, alignement de tous les bas salaires au même niveau sans distinction d’ancienneté…) ou encore qui votent en CE pour la mise en place de nouveaux postes sans même savoir comment ils vont s’articuler avec les autres en terme de statut et de salaire tout en se vantant d’être dans le dialogue et la compromission avec la direction ont beau jeu d’écrire dans des éditos que les autres syndicats les « envient et cherchent à déstabiliser ». Nous ne nous définissons pas par rapport à eux. Nous croyons en une vision plus sociale de la société, et cette vision se reflète dans toutes nos propositions. Mais, pour réussir à les mener à bien, nous aurons besoin de vous, il n’y a pas de secrets.
Alors nous continuons notre chemin, fiers de nos engagements. Nous vous rendrons visite, vous pouvez aussi nous contacter sur Facebook ou sur le mail cgt.apple@gmail.com pour soumettre vos propositions ou nous demander de l’aide.
En attendant, nous souhaitons à toutes et à tous une heureuse année, au nom de toute l’équipe de la section CGT d’Apple Retail.
À très vite.